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Faire une pause : début de rupture ou nouveau départ ?
Faire une pause, un break, mettre entre parenthèse son couple, voilà ce qu’on peut être tenté de faire quand la relation bat de l’aile. Comment met-on en place une séparation temporaire ? Que peut-on attendre de cette distance imposée pour réfléchir ?
Karine Lemarchand : faire une pause est une solution souvent envisagée quand les difficultés surgissent dans un couple ?
Alice de Lara : Quand les couples sont dans une impasse, c’est une chose très souvent évoquée, mais par contre, c’est assez rare dans la réalité concrète, dans la matérialisation de fait. C’est évoqué, c’est un réel désir, en pensant pouvoir se reposer de la relation, de la mettre comme en jachère, de pouvoir réfléchir. Ces couples pensent que cet éloignement va favoriser le fait de savoir vraiment si l’on souhaite continuer avec l’autre ou pas.
C’est très souvent limité dans le temps, on parle parfois d’une semaine, rarement de trois mois. Bien souvent, quand les couples vont un peu plus loin dans la réflexion de faire une pause ou pas, ils sont peu nombreux à le faire, car c’est quand même compliqué à mettre en œuvre. Imaginer un break, c’est penser se reconstituer et voir plus clair.
K.L : a votre avis, faut-il fixer une durée à cette pause ?
A.L. : Oui, car celui qui quitte, comme celui qui est quitté ne peuvent pas rester dans l’indécision, chacun a besoin de pouvoir se projeter dans l’avenir, dans une autre maison, dans d’autres habitudes, dans un autre rythme de vie.
Dans une séparation, les choses sont claires. L’anticipation fait partie intégrante de la décision de séparation, et c’est cela même qui rend cette décision supportable à l’autre. Dans la pause, on est dans l’indécision : cela est en général cause de souffrance, donc, autant que ça ne dure pas trop longtemps.
K.L : à quelles conditions cette réflexion imposée par la distance est-elle bénéfique ?
A.L. : Un break, une pause, pour l’autre, c’est une sorte de mise en garde, c’est quand même le signe que le fonctionnement de couple tel qu’il était constitué ne peut plus continuer. C’est-à-dire se séparer, prendre de la distance non pas avec l’autre, mais plutôt à une forme de contrat implicite qui a toujours fonctionné et qui ne peut plus durer. Si la décision de séparation provisoire permet une ouverture du dialogue, une mise en lumière réelle de ce qui ne va pas et que l’on peut se le dire, au lieu de rester dans le non-dit qui forme rancunes et ressentiments, cela peut être un avantage de faire un break.
Une pause, non pas pour aller réfléchir, car je pense que cette réflexion est très parasitée, mais plutôt dans l’idée de dire à l’autre que cette décision peut permettre au couple de mettre à plat ce qui fait souffrir au quotidien. Mais malheureusement, la réflexion consécutive à un break est très souvent trop parasitée, par rapport à la souffrance de celui qui subit la décision de l’autre mais aussi par la culpabilité de celui qui impose le break.
Un père qui s’en va, cela ne signifie pas qu’il ne va plus voir ses enfants, il va les voir, va-t-il pouvoir les recevoir dans son nouveau et temporaire habitat ou devra-t-il venir au domicile conjugal, sous le regard de celui qui souffre ? Toutes ces modalités sont aussi des parasitages à cette réflexion…
K.L : à quelles difficultés sont confrontés les couples qui font un break ?
A.L. : Je pense qu’il y a deux obstacles majeurs auxquels les couples qui mettent en place un break sont très vite confrontés. En premier : la communication… Comment se parle-t-on après ? Comment annonce-t-on un mauvais bulletin de notes d’un enfant ? Comment prend-on telle ou telle décision, puisqu’on ne se voit plus le matin ? Faut-il demander l’avis à l’autre ?
Même problème pour les questions matérielles et financières. Celui qui part, mais qui reviendra peut-être, doit quand même participer aux dépenses de la maison. Cela demande forcément une définition, puisque tu t’en vas, continues-tu à payer ceci ou cela, quand vas-tu me donner l’argent? Surtout qu’en plus, celui qui part a ses propres dépenses à assumer, par exemple : un nouveau loyer. Très vite, cette réalité financière rattrape ces couples.
Par ailleurs, un lien existe, il n’est pas coupé et il perdure, il est certes différent mais cela continue et c’est cela qui fait mal. L’autre rappelle bien qu’il a une femme ou un mari, qu’il a des enfants, que fait-on ? Quand vas-tu revenir ? J’ai compris….
Ensuite, au bout d’un certain temps, c’est véritablement insupportable pour le conjoint délaissé. Car la personne qui subit est dans un tunnel, dans une impasse imposée par l’autre : "Alors, que fait on maintenant ? Part-on ensemble en vacances d’été ? Réserve-t-on ensemble ?". Et l’autre est encore moins capable de donner une réponse… La distance brouille les cartes, ce n’est pas parce que l’on prend de la distance que l’on y voit plus clair, cela ne va pas de pair.
K.L : comment faire la différence entre une pause et une séparation qui ne dit pas encore son nom ?
A.L. : Lorsqu’on voit une personne qui se projette et qui met en place les actions nécessaires à l’obtention d’un appartement, d’inventer un nouveau mode de vie, cela augure plutôt une rupture. Alors que dans une solution provisoire, comme par exemple, de retourner chez sa mère, on sait d’avance qu’on ne va pas pouvoir tenir longtemps… Dans le fait de dire à l’autre : "Je vais prendre un appartement pour vivre seul, mais on se verra pour les bons moments", c’est sans doute se voiler la face et ne pas affronter la réalité de l’annonce de la rupture, même en toute bonne foi. Par contre, dans les breaks, il n’y a pas cette anticipation, les choses ne sont que transitoires, avec un logement d’accueil, chez la mère, le père, l’ami, où l’on pose ses valises, mais ce ne sont pas les vraies, ce n’est qu’un baluchon. Tout est à reconstruire et en plus, tout n’est que transitoire, comment organise-t-on cela ? Rien n’est vraiment très clair, les choses n’ont pas été réfléchies, mûrement pensées, c’est parfois une décision prise rapidement. Cela plonge donc les deux partenaires dans l’indécision et la souffrance.
K.L: Faire un break, n’est-ce pas une manière de mettre en jeu son couple ? De l’éprouver face à la séparation ?
A.L. : Effectivement, faire une pause, prendre de la distance, c’est voir si l’autre manque, c’est voir si l’autre "me sert à quelque chose", notamment au niveau des affects. Mais la réalité n’est pas si simple : l’autre, celui qui n’a pas choisi la pause, est mis au pied du mur, c’est lui qui résiste. Celui qui reste sur le carreau souffre énormément. Il y a un grand risque de confondre le manque de l’autre et la culpabilité de l’avoir laissé : celui qui décide de faire le break peut croire avoir un manque, alors que c’est plutôt la notion de culpabilité, de faire souffrir l’autre qui joue le plus. La culpabilité de laisser l’autre avec les enfants, de laisser l’autre avec sa souffrance, de laisser l’autre dans l’inconnu, de couper l’autre de ses projets d’avenir…
K.L: Quelle est l’alternative à la séparation temporaire, quand on ne sait plus où on en est de son histoire d’amour ?
A.L. : Je pense que le mieux est de rencontrer un thérapeute de couple. C’est un bon indicateur. De parler des difficultés du couple, en consultation individuelle ou à deux. Très souvent, le break est une fuite. Alors que mettre son couple à l’épreuve, dans le quotidien mais aussi dans une thérapie, c’est cela qui permettra de faire émerger un désir plus fort que l’autre, le désir de cesser la relation ou de continuer. Et surtout quand on n’arrive plus à se poser les bonnes questions, quand on a besoin de recul.
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