Alice de Lara

Thérapeute de Couple - Conseillère Conjugale et Familiale - Médiatrice familiale

Paris 16 - 25 rue du général Delestraint

Divorce et enfants : comment le vit-il ?

L'enfant confronté au divorce de ses parents 

 

Mes publications

 

Alice de Lara

en collaboration avec Pierre de Lara

 

L’enfant confronté au divorce de ses parents

« Le couple fait souvent porter à l’enfant le poids de la séparation. Lieu de commémoration d’un rêve perdu, l’enfant a pour fonction de dénier la mort du couple conjugal, de maintenir artificiellement vivante l’image du corps du couple défunt, de porter les restes de l’objet-couple ». Selon que la relation « couplale » sera bonne ou pas, il en sera le représentant en positif ou en négatif . 1.

C’est pourquoi, pour un enfant, la séparation ou le divorce de ses parents n’est jamais simple, quelle que soit l’attention que son entourage lui porte et même si cesse ainsi une situation antérieure pénible et conflictuelle. 
C’est souvent une épreuve cruelle et traumatisante dont les effets pathogènes sont fonction de l’âge de l’enfant, de son stade de développement, de la nature et du mode d’expression du conflit conjugal et des circonstances socio-économiques.

Selon une recherche longitudinale effectuée aux Etats-Unis entre 1980 et 1997, à l’échelon national, et publiée par deux sociologues, Booth et Amato, dans le numéro de février 2001 du Journal of Mariage and the Family, « les enfants des couples qui se disputent ouvertement s’en sortent mieux psychologiquement et socialement après un divorce que les enfants de couples dont la relation reflète peu de signes extérieurs de conflits… Les enfants de parents ayant beaucoup de conflits vivent le divorce comme la fin bienvenue d’une vie familiale dysfonctionnelle et déplaisante. La séparation a des effets plus positifs que le maintien du mariage. Par contre, les enfants dont les parents semblaient avoir peu de conflits tendent à voir le divorce comme une tragédie personnelle et ils vivent de grandes difficultés, à la fois psychologiques et sociales, concernant entre autres leur propre capacité à former des relations intimes de qualité ».

Les plus menacés sont les enfants qui nient toute souffrance ou toute inquiétude à propos du divorce de leurs parents, il recouvrent leur anxiété ou leurs sentiments de culpabilité par des dénégations et des rationalisations « ou divers troubles que nous décrirons plus loin.

« Heureusement, certains parents perçoivent et comprennent ces réactions dénégatrices… tentent de protéger leur progéniture et aménagent leurs nouvelles relations en fonction du besoin identitaire de leurs enfants» 2 . Leur désir d’élaborer leur séparation, d’opérer le travail de deuil de leur couple, d’épargner à leur enfant un excès de souffrance peut les conduire à entreprendre une thérapie de couple ou familiale, une thérapie individuelle ou une psychanalyse, pour eux ou leurs enfants.

Ils peuvent aussi faire appel à la médiation familiale, à leur initiative, ou suggérée par les services médico-sociaux ou les instances juridiques. Elle leur offre un lieu d’expression de leurs conflits, un espace de mentalisation évitant au non représentable de se déposer sur l’enfant et aidant le couple à accepter ses limites, un moyen de rétablir la communication et d’aboutir, par eux-mêmes, à des solutions négociées concernant l’exercice conjoint de l’autorité parentale dont la conséquence positive est la réduction de la souffrance de l’enfant, notamment son niveau d’anxiété et de dépression.

Les souffrances de l’enfant

L’enfant a beaucoup à perdre dans la situation de divorce ou de séparation :

- le sentiment de sécurité affective
avec parfois un syndrome d’abandon, notamment de la part du parent qui quitte la maison, 
la tendresse de ses parents réunis autour de lui, l’admirant, heureux ensemble et satisfaits de partager des moments de plaisir avec lui, 
la possibilité de s’identifier et d’exprimer les désirs qu’il éprouve à l’égard de ses deux parents, lui permettant de se construire un modèle masculin et/ou féminin et un modèle de couple, 
L’éventualité, qui existait auparavant, en pensée, de prendre la place de l’autre parent, peut, dès lors, s’inscrire dans une certaine réalité, 
ses repères spatio-temporels, avec leurs répercussions corporelles et affectives.

Il peut éprouver :

un sentiment de honte, la séparation étant vécue souvent comme une « tare », dont il doit garder le secret, et ce même si cette situation s’est banalisée socialement, 
une réaction de culpabilité, l’enfant ayant tendance à s’attribuer l’origine de la rupture, 
de la colère, face à ces parents qui, par leurs problèmes d’adultes, perturbent sa vie et l’empêchent de grandir tranquillement, colère qui s’exprime le plus souvent indirectement par un mal-être passager, 
une nostalgie de la période passée et un espoir, lorsque les parents ne se sont pas affrontés avec une certaine violence, qu’ils se réconcilient et revivent ensemble, même si, au fond d’eux-mêmes, ils savent bien que c’est impossible.

L'enfant peut manifester des troubles divers :

- des troubles de l’humeur et du comportement, 
- des réactions dépressives ou, au contraire, une agitation hypomaniaque, masquant la dépression, 
- des difficultés scolaires, aussi bien au niveau des apprentissages que des relations, 
- des troubles du sommeil : insomnie, cauchemars…, 
- des manifestations psychosomatiques variées : troubles digestifs, anorexie et boulimie, problèmes de propreté, réactions cutanées… 
Ces troubles son un langage, car certaines parties du corps expriment, à l’insu de l’enfant, ce que la parole ne peut pas dire, 
- des accidents et des incidents dans la vie quotidienne…

Cependant, les réactions de l’enfant sont étroitement liées à son âge et à son stade de développement .3. 
Nous prendrons pour exemple le cas particulier du jeune enfant (entre 0 et 3 ans).

Le nourrisson

A ce stade, l’impact de la séparation parentale est difficile à représenter. La relation mère-enfant peut se trouver renforcée, ce qui entrave une relation affective suffisante entre le bébé et son père dont l’absence physique peut entraîner un risque important de sentiment d’abandon. Faute de présence, l’enfant finit par s’accommoder de la situation. 
A cette époque de la vie, la régularité et la permanence de repères sont importants. C’est pourquoi, les changements doivent s’opérer doucement.

Très sensible à l’état psychique de ses parents (angoisses, dépressions…) qui perturbe souvent, en cette période de crise, leur disponibilité vis à vis de lui, le nourrisson a des difficultés à comprendre les raisons de ce trouble qu’il perçoit sans réussir à lui donner un sens. 
Il peut réagir par de l’agitation, de l’agressivité… 
L’acquisition de la parole l’aidera à exprimer sa souffrance et facilitera l’aide que les adultes se doivent de lui apporter.

L’enfant entre deux et trois ans :

La séparation parentale peut perturber l’acquisition du langage et le développement psychomoteur de l’enfant. Des colères et une régression de la maîtrise corporelle récemment acquise sont autant de signaux qui doivent alerter les parents. Il peut aussi y avoir des perturbations du sommeil (cauchemars, insomnies) et de l’alimentation, de la tristesse, des somatisations (céphalées, doubleurs abdominales, vomissements, algies diverses…).

L’enfant présente un syndrome de séparation précoce avec l’objet d’amour alors qu’il n’est pas séparé de sa mère. C’est sa façon de réagir à la modification de la « qualité soignante » de sa mère, liée aux problèmes dus à la mésentente du couple. La mère, en effet, reporte inconsciemment sur le lien d’attachement avec son enfant sa rancune et son ressentiment, ce qui suscite chez l’enfant un sentiment d’abandon et de menace, sans oublier la culpabilité inhérente à l’égocentrisme de son jeune âge qui le fait ramener à lui le nœud du conflit conjugal.

Tous ces symptômes peuvent donc avoir une fonction positive : aider l’enfant à décrypter une situation dont il est l’objet. 
En effet, pour reprendre les mots de Marie-Cécile et Edmond Ortigues, « les symptômes des enfants doivent être compris comme une manière dynamique, positive, d’interroger les questions vitales qui se posent pour lui et sa famille. Le symptôme se construit toujours à partir des impasses, des fragilités, des douleurs des parents. Leurs manières d’être, de penser, d’agir, donnent à l’enfant des indications sur leurs positions œdipiennes… l’enfant, à travers les répétitions symptomatiques, cherche le chemin de la triangulation à partir des données de son histoire, et à ce titre elles doivent être considérées comme un moteur de la cure plutôt que comme un obstacle » .4.

Dans leur livre « Se séparer sans se déchirer » 5. , Jocelyne Dahan et Evangéline de Schonen-Desarnauts dressent, aux pages 131 et 132, un « tableau des réactions des enfants », qui résume bien les difficultés rencontrées par eux en fonction de leur tranche d’âge, de 0 à 15 ans, et des suggestions qu’on peut faire aux parents pour les aider .

Parfois, le retentissement de la séparation a des effets importants et durables sur l’enfant ou l’adolescent, celui-ci vivant dans un certain déni de la réalité de la rupture, comme si elle pouvait être réversible. La prise de conscience de l’irréversibilité, provoquée par la maturation de l’enfant, l’évolution de la situation conjugale des parents (remariage, atténuation du conflit…) ou de la procédure judiciaire (document attestant le divorce…), peuvent engendrer un choc émotionnel, ayant des répercussions psychologiques particulièrement sévères.

Nous insisterons plus particulièrement sur quelques-unes des répercussions dans lesquelles se trouve placé l’enfant lorsqu’il est l’enjeu du conflit de ses parents ;

Le conflit de loyauté

La loyauté est un attachement préférentiel à l’égard d’une personne vis à vis de laquelle on réserve une priorité d’égards. « Le conflit de loyauté » s’applique à une situation dans laquelle une personne est coincée entre deux objets de loyauté, explicitement concurrents » .6. 
C’est pourquoi il implique une configuration relationnelle triangulaire. C’est explicitement le cas de l’enfant pris entre les désirs de ses parents, contraint de choisir l’amour de l’un au détriment de l’autre (loyauté clivée), en particulier lorsque la méfiance et le mépris sont mutuels. 
La confiance que l’enfant exerce à l’égard de l’un des parents entraîne alors nécessairement une méfiance envers l’autre parent, avec les attitudes d’indifférence, de fuite ou d’ambivalence qui la traduisent.

La parentification (concept introduit en 1962 par Ivan Boszormenyi-Naguy) .7.

A la différence de la relation de couple, la relation entre parents et enfants est asymétrique.

« La parentification de l’enfant peut se définir comme le processus interne à la vie familiale qui amène un enfant ou un adolescent à prendre des responsabilités plus importantes que ne le voudraient son âge et sa maturation, dans un contexte socioculturel et historique précis et qui le conduit à devenir un parent. Pour ses parents c’est un processus impliquant toujours plusieurs générations… elle n’est jamais pathologique en soi… Par contre, si elle se poursuit sur une longue durée et, surtout, si elle n’est pas reconnue, elle peut devenir un véritable fardeau pour l’enfant qui n’a plus le temps de s’occuper de lui et de recevoir » .8.

On peut donc se demander si elle est favorable aux parents ou à l’enfant dont elle peut favoriser la maturation (« enfant-thérapeute », « enfant hyper mature ») ou, au contraire, entraver le développement et lui faire perdre confiance envers les adultes, voire le priver de sa propre enfance. 
Ainsi, dans le cadre d’une séparation, l’enfant parentifié peut servir au déni et à l’oubli de celle-ci, opérant une « collusion pour éviter le deuil » (Boszormenyi-Naguy , 1997). Il est dans une position de soutien de son propre parent avec lequel il vit. Il s’investit totalement dans cette fonction, ce qui lui permet de traverser l’épreuve de la séparation. Renouer avec l’absent mettrait en péril ce nouvel équilibre précaire.

La parentification peut prendre des formes diverses, l’enfant occupant une place variable : 
- tantôt de confident auprès de l’un des parents, 
- tantôt de messager ou de médiateur entre ses parents, 
- tantôt leader de la famille, en particulier lorsque les parents sont confrontés à un état dépressif, des blessures narcissiques ou de graves difficultés matérielles et factuelles, 
- apparaissant même dans un rôle de sauveteur ou de contrôleur.

Ces différents visages de la parentification s’illustrent clairement dans la situation du divorce où la notion « d’enfant otage » est souvent employée. De quoi, de qui, l’enfant est-il l’otage ? 
Souvent les parents prennent leur enfant « en otage » pour répondre à leurs besoins narcissiques, à des désirs de vengeance ou l’utilisent comme moyen de rester impliqués dans une relation conjugale malsaine ; ce qui est dans l’intérêt des adultes ne l’est pas nécessairement pour l’enfant.

Par exemple, l’enfant peut jouer le rôle d’objet de substitution du parent parti.

En effet, dans certains couples, comme le dit Jean-G. Lemaire, l’un des partenaires confirme l’autre sur sa propre valeur existentielle. Si se produit une séparation, « le rôle de réassurance qui était rempli par celui qui décide de la séparation retombe assez souvent sur l’enfant… Celui-ci se trouve investi d’une énorme responsabilité. Il devient la seule raison de vivre de son père ou de sa mère qui se sent abandonné ou trahi… La fusion est telle que l’enfant est devenu une partie du père ou de la mère abandonné, et le nouveau couple qu’il forme avec lui le soumet à tous les dangers que peuvent présenter ces situations à connotation mortifère » .9.

L’enfant téléguidé, consciemment ou pas, par les adultes, ses parents, qui tentent de le tirer chacun dans leur sens.

L’enfant, support du lien pathogène entre les parents et vecteur « d’amour » entre ses deux parents

Certains couples n’en finissent pas de se séparer et poursuivent leur vie de couple, devenue impossible, à travers leurs conflits et leurs procédures. Faute d’un travail de deuil du couple, les parents utilisent l’enfant pour continuer d’atteindre l’autre, en substituant à la violence, parfois physique, qui les animait auparavant, une violence qui passe désormais par l’intermédiaire de l’enfant, dont la place réelle est ainsi dénaturée en raison du chantage affectif dont il devient l’objet. L’enfant devient ainsi, pour les ex-conjoints, le dernier moyen d’atteindre l’autre, de continuer à l’atteindre. L’enfant peut aussi être revendiqué par l’un des parents pour mieux contrôler l’autre. Ces couples fonctionnent souvent sur un mode sado-masochiste.

Pour conclure ce chapitre, je dirai que l’adaptation de l’enfant à la séparation de ses parents évolue avec le temps.

Au cours de la première année, les réactions de l’enfant dépendent étroitement de la persistance ou non des conflits entre les parents et du rythme des contacts avec chacun d’eux.

Après quelques années, la situation familiale est, en général, stabilisée et la permanence de la séparation acceptée. La relation avec la mère est forte. La relation avec le père, variable, dépend du rythme et de la qualité des rencontres. Si celles-ci sont trop irrégulières, voire absentes, l’enfant peut ressentir de la colère, de l’amertume, ou un intense sentiment d’abandon, source de troubles psychiques car les relations avec le père ont une incidence sur l’image de soi de l’enfant et sur sa capacité de réussir son insertion sociale.

PARLER A L’ENFANT, L’ECOUTER, LE RECONNAÎTRE

Le divorce légalise l’état de mésentente entre les parents mais ne les affranchit pas de leur devoir d’élever leur(s) enfant(s).

Parler à l’enfant

L’enfant de parents séparés est souvent confronté à des changements de son rythme de vie. Sa capacité d’adaptation varie avec l’âge, sa personnalité, son degré de fatigue, mais dépend aussi de la façon sont sa mère et/ou son père lui explique(nt) les conséquences de leur séparation sur sa vie quotidienne, preuve de l’attention qu’ils lui portent.

Dès le projet de séparation, ou dès le début de la procédure de divorce, Françoise Dolto 10. pense que l’enfant doit être averti. A la fin de la procédure, ou lorsque la séparation a été entérinée, ses parents doivent le mettre au courant de ce qu’ils ont décidé. 
Pour « humaniser » leur séparation, ils doivent parler « vrai » à leur enfant, utiliser des « mots justes », à toutes les étapes de celle-ci, car il est capable d’assumer cette nouvelle réalité. 
Par l’amour qu’ils continuent à lui porter, ils assurent leur fonction de protection et de transmission, le soulagent de sa responsabilité dans les conflits qui les opposent, et de son sentiment de culpabilité. 
De leur place respective de père et de mère, ils doivent lui adresser une parole qui intègre l’autre parent, fondatrice de sa sécurité intérieure et de son identité sexuée.

Lorsque les critiques, les questions envahissantes et les inquiétudes exagérées prédominent, lorsque la parole de l’un est contestée par l’autre, qu’elle devient impossible ou porteuse de trop de souffrance, l’enfant, blessé, perd confiance dans l’adulte et dans la valeur des mots. Il exprime son insécurité et ce qu’il ne peut verbaliser par un comportement agité et les manifestations de son corps.

Au contraire, si un climat de confiance s’instaure entre ses parents, l’enfant se sent respecté et peut se sentir en sécurité avec chacun d’eux.

Cela implique qu’ils puissent dépasser leurs souffrances, leurs angoisses, leurs rancoeurs et leur désir de vengeance et reconnaître, malgré tout, dans l’autre une personne digne d’être respectée. 
Faute de quoi, le « conflit de loyauté » risque d’être ravivé. « Les enfants reprendront à leur compte les douleurs parentales et modèleront leur comportement sur celui de leurs parents » 11. . Leur identité risque gravement d’être menacée.

La médiation familiale d’un tiers est souvent utile : 
· enseignant, travailleur social, 
· psychologue, conseiller conjugal et familial, · psychothérapeute, thérapeute de couple ou familial. La psychothérapie peut aider certains enfants ayant des difficultés comportementales et psychologiques – soit que les conflits entre les parents perdurent, soit que l’enfant lui-même ait une personnalité plus vulnérable – à liquider les réactions et les affects négatifs suscités par la situation

Médiateur Familial :

La médiation familiale est à envisager lorsque la décision de séparation est devenue irrévocable, afin de favoriser un climat de tolérance et de conciliation entre les parents, afin qu’ils privilégient le bien-être et l’intérêt de l’enfant au lieu de leurs conflits et problèmes personnels. Si la séparation peut se faire dans un esprit de « négociation compréhensive », les enfants risquent moins d’être entraînés dans des querelles interminables, extrêmement néfastes pour eux.

Ainsi, cette parole soutient l’enfant, l’aide à comprendre que le divorce est non seulement un moindre mal mais qu’il est un acte responsable de la part de ses parents, ayant pour but de faire cesser une souffrance.

Françoise Dolto va même jusqu’à plaider pour que le divorce soit pour l’enfant une cérémonie symbolisée, à l’égal de ce qu’est le mariage, qui « devrait consister dans un rituel, dirigé par un juge, qui signifierait à l’enfant que, malgré la séparation de ses parents, ceux-ci conservent les mêmes devoirs que lui, qu’aucun des deux ne perd ni droit ni devoir à son égard et, qu’au surplus, l’amour qui était le leur, restera identique et même peut-être un plus fort » .12.

Dans un chapitre ultérieur, nous restituerons cette parole adressée à l’enfant dans le cadre du processus de médiation familiale, celui-ci ayant sa spécificité vis à vis d’elle que l’enfant participe ou non aux entretiens.

Ecouter l’enfant 13.

La Convention internationale des droits de l’enfant 14 , par son article 9, permet à l’enfant de donner son avis et de participer à toute décision concernant une éventuelle séparation de ses parents et, par son article 12, donne à l’enfant, dès qu’il en est capable, le droit à la liberté d’opinion, le droit de donner son avis à propos de tout ce qui le concerne.

En France, en vertu des dispositions de la loi 93-22 du 8 Janvier 1993, l’article 388-1 du Code Civil dispose en son alinéa premier : 
« dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le Juge ou la personne désignée par le Juge à cet effet ».

L’article 388-1, alinéa 2 du Code Civil, prévoit ensuite que l’enfant mineur « peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix ».

Enfin, l’article 388-1, alinéa 3 du Code Civil, rappelle que cette audition du mineur « ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure », ce qui signifie qu’il peut solliciter son audition par un Juge déjà saisi, éventuellement assisté par son avocat, mais qu’il ne peut en aucune façon prendre l’initiative d’engager une procédure devant le JAF.

Par ailleurs, la loi donne, depuis longtemps, au Juge, la possibilité de faire appel à des experts (psychologues, psychiatres, travailleurs et enquêteurs sociaux…) qui vont écouter les parents et l’enfant, évaluer une pathologie, apprécier une situation familiale (dans ses dimensions psychologique et socio-économique), et l’aider, au final, à prendre sa décision.

Toutes ces dispositions légales visent à préserver l’intérêt supérieur de l’enfant, à lui permettre d’exprimer ses besoins et d’énoncer notamment, lorsqu’il est en âge de choisir, son désir de vivre avec l’un ou l’autre de ses parents.

Contrairement à ce qui est affirmé à tort, le droit d’être entendu par le Juge ne concerne pas que les enfants de plus de 13 ans. Françoise Dolto est favorable au fait que l’enfant de divorcés puisse avoir une capacité d’émancipation morale et civique. La Justice doit favoriser cette autonomie. Dès 8 ans, l’enfant, selon elle, doit pouvoir communiquer avec le JAF, et entendre de sa part l’évocation de ses devoirs filiaux : entretenir des relations personnelles avec les familles des deux lignées parentales, et aussi les grands-parents, les cousins etc… 
Le Juge est le tiers qui responsabilise les parents à la Loi écrite et favorise le sentiment de responsabilité de l’enfant, auquel il reconnaît la faculté de penser et de soutenir ses droits et sa liberté. 
Le Juge apprécie donc la situation au cas par cas, en tenant compte de la capacité de discernement du mineur, c’est à dire sa capacité à comprendre de quoi il s’agit, se faire sa propre opinion, s’exprimer de manière correcte, en tout cas compréhensible.

Ainsi, tout enfant, à condition qu’il soit capable de discernement, peut demander à être entendu par le Juge qui n’a pas le droit de refuser de l’auditionner sauf par une décision dûment motivée. 
Cependant, en l’état actuel des choses, l’enfant ne peut pas participer pleinement au divorce de ses parents et aller contre une décision qui lui déplaît, par exemple s’il a préféré habiter chez l’autre parent que celui qui a été désigné.

Par ailleurs, la loi prévoit également que ce que dira l’enfant ne pourra être utilisé dans le débat opposant les deux parents, ceci pour éviter que l’enfant soit utilisé dans les conflits ou que son avis soit soumis aux pressions parentales et/ou familiales.

Le Juge n’a pas obligation à suivre l’avis de l’enfant et peut même prendre une décision qui va à l’opposé de ce qu’il souhaite, et il ne peut y avoir de confidence vers le Juge puisque ce dernier a obligation de rédiger un rapport dans lequel il mentionne ce que sont les souhaits du mineur.

Ces considérations juridiques visent à atténuer les effets « pervers » que pourraient engendre le droit de l’enfant à exprimer sa parole, au nom de son intérêt propre .

Derrière le discours explicite de l’enfant, se joue dans la coulisse une « Autre scène » celle du drame familial, agité par les conflits, les affects, l’amour et la haine, la tentative consciente ou inconsciente de chacun d’influencer l’autre ou de se venger, y compris par enfant interposé …

La position du juge, confronté à la nécessité de dire le droit dans ce contexte affectif troublé, est complexe. Il doit pouvoir évaluer les besoins de chacun, se poser en défenseur des droits de l’enfant, tout en permettant aux parents d’assumer pleinement leur parentalité et d’exercer symétriquement leur autorité parentale ; Il décide ce qu’est le moins mauvais pour l’enfant, compte tenu des réalités.

Il lui est donc nécessaire de « décoder » les messages implicites, en particulier ceux de l’enfant, tiraillé souvent entre les positions contradictoires de ses parents, afin que cette parole qui lui est offerte, ne l’enferme pas prématurément dans un statut d’adulte. 
La reconnaissance de « la parole de l’enfant », exige donc une grande prudence d’interprétation. Jocelyne Dahan insiste sur 
« la nécessité de laisser l’enfant en dehors de ce conflit, de le protéger de ce combat que se livrent les parents, par respect pour son statut d’enfant … d’orienter les familles, autant que faire se peut, vers la médiation familiale afin que les conflits d’adultes ne rejaillissent pas sur les enfants et puissent être réglés » .15.

Telle est d’ailleurs la préoccupation qui a guidé ce travail et le choix de mon sujet. 
Nous illustrerons, dans le chapitre suivant, ce propos par l’évocation de quelques cas concrets de médiation.

Le rôle du médiateur familial

Dans la médiation familiale, le médiateur est confronté, en premier lieu, au « couple » parental. 
Son rôle est donc de travailler avec les parents et d’évaluer leurs besoins par rapport à eux et à leurs enfants.

Il doit donc écouter les adultes, leur permettre de canaliser leur désir et leur imaginaire, afin de faire évoluer le conflit parental, le « purger » pourrait-on dire de ce qui peut l’entretenir : malentendus, agressivité, vengeance, rancœur, secrets, non-dits…

Par rapport aux enfants

Doit-il ou non s’impliquer dans les conflits et les décisions qui les concernent et, en quelque sorte, représenter leurs intérêts lorsque leurs droits sont menacés ou non respectés ? 
Mais comment mettre en œuvre cette « neutralité active » sans prendre parti contre les parents ? Comment privilégier le pouvoir décisionnel des parents tout en veillant à ce qu’ils prennent des décisions correctes à l’égard de leurs enfants ?

Le médiateur familial doit avoir une vision systémique des besoins du groupe familial

Son rôle est d’aider les parents à prendre des décisions satisfaisantes par la famille en général, mais en respectant les intérêts des enfants en particulier. 
Il doit donc évaluer le rôle des enfants dans le divorce ou la séparation de leurs parents, donc ne pas sous-estimer leur importance, afin de leur permettre de retrouver une juste place, de les aider à devenir ou à rester des enfants. 
Il fait donc prendre conscience aux parents des enjeux inter-générationnels dans lesquels ils sont pris, à travers ce qu’ils vivent et expriment par rapport à leurs enfants : ils sont dans un processus répétitif de leur propre enfance, rejouant leurs relations avec leurs propres parents, lesquelles peuvent se séparer autour et à cause des enfants. 
La construction du génogramme, pendant les séances de médiation, prend à ce propos une valeur capitale.

En conclusion, la médiation familiale, permet aux parents par son processus et le rôle essentiel du médiateur, d’aboutir par eux-mêmes à des engagements négociés, dont le respect assurera une fonction symbolique tierce et de reprendre une place réelle, ce qui légitimera leurs rôles respectifs, dans une coparentalité mieux assumée.

 

Autres articles :

 

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1. Ce passage a été rédigé grâce à l'article de Patrice Cuynet : " Les oripeaux du couple dans le divorce ", déjà cité 
2. Lemaire Jean-G. , Divorces à l'eau de rose, article déjà cité 
3. Ce passage a été rédigé grâce à l'article de Carole Méau, psychologue, intitulé " Les conséquences de la séparation sur le jeune enfant ", sur le site internet " A baby on web " 
4. Ortigues Marie-Cécile et Edmond : 
- Cheminement d'une pratique, entretien, dans la revue Abstract psychiatrie, n°217, septembre 2000 
- Que cherche l'enfant dans les psychothérapies, Editions Erès, 2000 
5. Dahan Jocelyne et Schonen-Desarnauts de , Evangéline, opus déjà cité 
6. D'après le texte anglais de Ivan Boszormenyi-Naguy (traduction Corinne Nebel et Gérard Salem), Glossaire de thérapie contextuelle, revue Dialogue n°111 , Loyautés familiales et désir d'enfant, 1 er trimestre 1991, éditée par 
l' AFCCC 
7. Boszormenyi-Naguy I. et Sparks G.M, Invisible Loyalties reciprocity and integenerationnal family therapy, New-York, Harper and Row, 1973, réed. New-York, Brunner/Mazel, 1984 
8. Le Goff Jean-François, L'enfant, parent de ses parents, Editions l' Harmattan, Collection Les thérapies familiales aujourd'hui, 1999 
9. Gréchez Jean, tu nous quittes? Je t'atteindrai à travers notre enfant ! revue Dialogue n°125, A quoi nous servent nos enfants? 
3ème trimestre 1994, éditée par l' AFCCC 
10. Dolto Françoise, Quand les parets se séparent, Editions du Seuil, septembre 1988 
11. Dahan Jocelyne et Schonen-Desarnauts de , Evangéline, opus déjà cité 
12. Dolto Françoise, citée par Louis Genet, dans " Conflit Conjugal et médiation ", Editions, jeunesse et droit, Liège, 1998 
13. La rédaction de ce chapitre a été possible grâce aux informations fournies par la consultation de plusieurs sites internet : 
- Avocat de l'enfant 
- La Convention , texte adapté aux enfants, 
- L'enfant au coeur des conflits familiaux 
- La place de l'enfant dans les procédures judiciaires 
- Le statut juridique de l'enfant 
14. La Convention internationale des droits de l'enfant, texte déjà cité

15. Dahan Jocelyne et Schonen-Desarnauts de , Evangéline, opus déjà cité

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